RENCONTRE DU 07 OCTOBRE 2022…
A LA MÉDIATHÈQUE F. MITTERAND, VALENCE…

Signatures Rey et Bossan

Joannis Rey, élève et associé de Bossan

Intervention de Daphné Michelas

Daphné Michelas
historienne du patrimoine
02 : Portrait du chanoine Didelot musée du Moulage à Montpellier
03-Paul-Émile Millefaut (archives départementales de la Drôme, 1 J 62)

En 2019, je me vois confier la mission de classement d’un fonds d’archives au cabinet Joulie, rue Barthou à Valence. Ce projet a permis d’avoir une vision globale des projets du cabinet d’architecte sur plusieurs générations.

Nous sommes en présence d’un fonds d’un peu plus d’un millier de dessins sur papier et sur calque, correspondant aux exercices professionnels de Joannis Rey (1850-1919), Henri Joulie (1877-1969), Michel Joulie (1915-2014) qui se sont succédés depuis la fin du 19e siècle jusqu’en 1980. À ce fonds s’ajoutent d’autres dessins signés par des architectes du Valentinois : Marius Villard, Georges Allingry, Auguste Chauffeur, Joseph Bissuel, mais aussi Pierre-Marie Bossan et un volume impressionnant de travaux menés par Joannis Rey. L’ensemble est d’un intérêt remarquable au vu de la qualité des dessins des différents auteurs, parfois à deux mains. Après avoir repéré une très grande partie de dessins exécutés (ou attribués) à Joannis Rey, soit quasi la moitié du fonds d’archives inventorié, la vie de cet architecte nous a interpellé. Nous nous sommes vivement interrogés sur l’architecte Joannis Rey, sa personnalité, son œuvre, ses projets !

Qui était Joannnis Rey ? Pourquoi une partie de son fonds d’archives était mêlé aux affaires du cabinet d’Henri Joulie. Quel a été son rôle dans l’architecture religieuse de la Drôme ? Quel lien entretenait-il avec Henri Joulie et son maître Pierre-Marie Bossan (ill.01), architecte lyonnais ?
Autant de questions auquelles nous essayons de répondre !
Nous n’avons pas encore toutes les réponses…

Jean-Laurent Rey, surnommé Joannis, est né à Valence en 1850. Très jeune, il est remarqué par le chanoine Didelot, curé de Notre-Dame à Valence (ill.02). Rey embrasse rapidement un enseignement artistique à l’école d’art religieux fondée en 1863 par Pierre-Marie Bossan. Prédestiné à l’architecture, il suit des cours dans cette école aux côtés de son frère Camille (sculpteur), mais aussi d’autres sculpteurs et architectes connus et reconnus, tel que Paul-Émile Millefaut (ill.03). Joannis Rey devient le fidèle collaborateur de Pierre-Marie Bossan sur de nombreux projets drômois. D’ailleurs, Bossan lui confie la direction de cette école et se retire définitivement dans le sud de la France.

De cette collaboration découlent de nombreux projets drômois, dont plusieurs dessins sont conservés dans le fonds Rey-Joulie de l’association AVPAV. Quelques-uns sont signés par Bossan et Rey. Ils travaillent conjointement sur le projet de construction de la mairie de Saint-Pantaléon-les-Vignes en 1902 et sur deux écoles à Rousset-les-Vignes.
Bossan lui confie d’autres travaux importants : l’église de Crépol et le couvent Sainte-Marthe à Montélimar (ill.04). Pour ce dernier projet, nous avons les deux signatures de ces architectes collaborateurs sur les plans (ill.05). Pour l’église de la Bégude-de-Mazenc, Joannis propose même l’aménagement intérieur de la nef et du chœur, dont le maître-autel est exécuté par son frère Camille Rey. À l’église d’Aouste-sur-Sye, la collaboration Bossan-Rey est évidente (ill.06). L’église est reconstruite dans sa totalité sous la surveillance de Joannis Rey en 1880. Joannis Rey était aussi son collaborateur à Lalouvesc en Ardèche ou encore à Marseille avec le couvent et la chapelle des Dominicains.

En 1893, Joannis Rey fournit les plans du lavoir du village de Chamaret dans la Drôme et dresse les plans des travaux de restauration à exécuter sur la tour (ill. 07). Joannis se voit à la tête d’importants travaux et ne tarde pas à se faire une place d’architecte dans la ville. Il installe d’ailleurs son cabinet d’architecte à Valence au 106 rue des Alpes, hôtel particulier qu’il a lui-même dessiné. Il disparaît le 8 février 1915, à Valence.

04 : Couvent Sainte-Marthe à Montélimar (AVPAV, fonds Joulie-Rey)
04 : Couvent Sainte-Marthe à Montélimar (AVPAV, fonds Joulie-Rey)
05 signature Rey Bossan
05 signature Rey Bossan
06 : Église d’Aouste-sur-Sye (AVPAV, fonds Joulie-Rey)
06 : Église d’Aouste-sur-Sye (AVPAV, fonds Joulie-Rey)
07 : Tour de Chamaret (© Daphné Michelas)
07 : Tour de Chamaret (© Daphné Michelas)

Son hôtel particulier, rue des Alpes (ill.08, 09, 10)

En 1887, Joannis Rey achète un terrain rue des Alpes, contigüe à la rue du Pont du Gat et la rue de Coulmiers. Le terrain est vendu par les frères Audier, tous deux anciens négociants. D’allure raffinée et élégante, Joannis Rey fait construire une demeure cossue dans cette rue passante de Valence. Joannis Rey était âgé de 38 ans lorsqu’il s’installe rue des Alpes. Au 19e siècle, il arrivait que le lieu de vie se confonde avec le cadre professionnel. Cette demeure rue des Alpes, contribue à définir le statut professionnel de Joannis Rey.
Le pavillon bourgeois, très en vogue au 19e siècle pour une certaine bourgeoisie aisée, fait l’objet de tous ses soins avec tout le confort nécessaire. Cette demeure devient alors la devanture de l’activité de Joannis Rey. Il puise abondamment dans le vaste répertoire des styles pour définir une construction qui révèle le caractère de son propriétaire : une maison d’architecte.
La distribution intérieure est appropriée aux exigences de la profession d’architecte avec l’aménagement d’un atelier lumineux, bien éclairé, et de bureaux spacieux au second étage pour recevoir la clientèle.  Un accès direct qu’orchestre le vestibule somptueux permet de pénétrer par un escalier jusqu’au cabinet du second étage, évitant ainsi aux clients de pénétrer dans l’espace privatif. L’atelier, judicieusement orienté au sud, offre une remarquable vue sur le parc arboré de la propriété.

Merci aux propriétaires actuels, M. et Mme Hecquet, de nous avoir ouvert les portes de la demeure de Joannis Rey.
Sources : Monographies de bâtiments modernes, A. Raguenet, Paris / Bulletin de la société d’archéologie et de statistique de la Drôme, année 1916, Valence / Archives départementales de la Drôme (série 4 Q 24 1311) / La Drôme des lettres, des sciences, des techniques et des artistes, compléments, Académie drômoise, à paraître (2021)